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Droit construction entreprises

Retenue de garantie et cautionnement : retour sur la notion de réception

« Avant l’heure c’est pas l’heure, après l’heure c’est plus l’heure » chantait Edith Piaf.

Cette phrase illustre parfaitement le mécanisme prévu par l’article 2 de la loi du 16 juillet 1971, en matière de cautionnement des marchés de travaux.

Ce texte prévoit les modalités de mise en œuvre de la caution substituée à la retenue de garantie, qui doit être actionnée sous la forme d’une opposition à mainlevée par lettre recommandée, dans le délai d’un an suivant la réception des travaux (faite avec ou sans réserve).

A défaut d’opposition formée dans ce délai, la caution est libérée, même en l’absence de mainlevée donnée par le maître d’ouvrage.

Une importante partie du contentieux entourant ce mécanisme se cristallise aujourd’hui dans la notion de réception, et le point de départ du délai d’action du maître de l’ouvrage.

C’est justement sur ce point que s’est prononcée récemment la Cour de cassation, dans un arrêt de la 3e chambre civile du 11 janvier 2023, publié au bulletin (Cass, Civ 311 janvier 2023 n°21-11.053).

Les faits sont malheureusement classiques : une entreprise chargée de la réalisation d’un ouvrage est placée en liquidation judiciaire le 5 juin 2013.

Le maître d’ouvrage tente alors d’actionner la caution par une mise en demeure adressée le 29 novembre 2013, et a notifié le 6 juin 2014 son opposition à la libération de la caution.

Par décision du 26 avril 2018, les juges ont fixé judiciairement la date de la réception au 10 et 14 juin 2013, dates auxquelles le maître de l’ouvrage avait fait établir des procès-verbaux de constats.

Le maître d’ouvrage a par la suite assigné la caution en paiement.

Celle-ci fait valoir, d’une part, qu’aucune réception n’étant intervenue, la caution ne pouvait être actionnée et d’autre part, qu’aucune opposition à la libération de la caution ne pouvait intervenir, sans faute, avant la réception des travaux.

La Cour de cassation, rappelle que la notion de réception s’entend largement (celle-ci peut donc être judiciaire, tacite ou amiable) et que le délai d’un an prévu par l’article 2 de la loi du 16 juillet 1971 ne peut commencer à courir avant cette date.

Ainsi, la date de réception ayant été fixée judiciairement à la date des 10 et 14 juin 2013, la Cour de cassation a validé le raisonnement des juges du fond qui avaient constaté que la caution avait bel et bien été activée dans les formes prescrites par l’article 2 de la loi du 16 juillet 1971, et donc l’avait condamnée à honorer son engagement auprès du maître d’ouvrage.

Le principe dégagé par cet arrêt n’est pas nouveau, mais permet de rappeler l’importance pratique pour le maître d’ouvrage, de faire établir, en cas de défaillance de l’entreprise, un constat par un commissaire de justice, afin de sauvegarder ses droits.

Dans cet arrêt, c’est grâce à ces constats que le maître d’ouvrage, bien avisé, a pu faire fixer judiciairement la date de réception des travaux, et ainsi mettre en œuvre la caution.