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Vices cachés: Les réparations avant la vente peuvent constituer une dissimulation par le vendeur

Une clause bien connue en matière de vente immobilière est celle exonérant le vendeur de sa responsabilité en cas de vices cachés.

Il peut être fait échec à cette clause dans certaines hypothèses, par exemple si le vendeur est un professionnel, ou s’il est démontré qu’il avait connaissance du vice au moment de la vente.

C’est dans cette seconde hypothèse qu’a été rendu un arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation le 1er mars 2023 (21-25.315).

Dans les faits, Mme T a vendu une maison d’habitation à Mme B en 2009.

En 2008, la venderesse avait fait réaliser des travaux de renforcement de structure, mais n’avait pas mentionné ces travaux dans l’acte de vente.

Se plaignant de divers désordres affectant son bien, l’acheteuse a assigné la venderesse en indemnisation sur le fondement des vices cachés.

La cour d’appel a fait droit à la demande, aux motifs que les travaux réalisés par la venderesse avant la vente attestaient de sa connaissance de la fragilité de l’immeuble, bien que ceux-ci ne souffraient d’aucun vice.

Les juges du fond ont considéré que la fragilité de l’ouvrage constituait un vice caché, antérieur à la vente, dont le vendeur avait nécessairement connaissance compte tenu des travaux réalisés, et que la venderesse ne pouvait donc pas bénéficier de la clause d’exonération.

Cet arrêt vient rappeler la nécessité pour le vendeur d’être transparent sur la consistance du bien vendu, et les travaux réalisés avant la vente, au risque d’être tenu de la garantie des vices cachés, malgré la clause d’exonération figurant dans le contrat de vente.

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La demande d’expertise suspend les délais de prescription des actions en garantie des vices cachés et défaut de conformité

En matière de vente, la question de l’articulation des actions en responsabilité du fait des vices cachés, et l’action pour défaut de conformité a toujours été délicate.

En effet, s’il est bien établi que l’une est exclusive de l’autre (Cass, Civ 1ere 5 mai 1993 n°90-18.331) en pratique la distinction entre ces deux actions n’est pas aussi nette que la loi laisse l’entendre.

Se pose alors la question de la prescription lorsqu’est formée une demande d’expertise en référé.

Cette action, si elle est fondée sur la recherche d’un vice caché, peut-elle également interrompre la prescription de l’action en responsabilité du vendeur pour défaut de conformité de l’article 1603 du code civil ?

C’est par la positive que répond la Cour de cassation dans un arrêt du 2 mars 2023 (Cass, Civ 2e, 2 mars 2023 n° 21-18.771), rendu au visa de l’article 2239 du code civil.

En l’espèce, une société ayant acquis des moteurs présentant des problèmes avait assigné la société venderesse en référé.

Le tribunal avait fait droit à cette demande d’expertise par une ordonnance du 20 novembre 2009, et l’Expert avait finalement déposé son rapport le 26 février 2015.

Quelques mois plus tard, en mars 2016, l’acquéreur avait donc assigné la société vendeuse en paiement du fait d’un manquement à son obligation de délivrance conforme.

La Cour d’appel de Lyon a rejeté cette demande, la jugeant irrecevable car prescrite, l’action ayant été intentée plus de 5 années après l’ordonnance désignant l’Expert.

Suite au pourvoi formé par l’acquéreur, la Cour de cassation censure la cour d’appel, et rappelle que les deux actions, tendant au même but,  bénéficient toutes les deux du même régime de prescription, et des mêmes causes d’interruption et de suspension.

Ainsi, le délai de prescription, interrompu par la demande en référé en 2009, et suspendu durant la durée de l’expertise, avait commencé de nouveau à courir au moment du dépôt du rapport de l’expert, en 2015.

L’action au fond, intentée en 2016 sur le fondement du manquement à l’obligation de délivrance conforme, n’était donc pas prescrite.

La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’énoncer ce principe (voir notamment Civ, 1ere 9 mai 2019 n°18-14.736) il est intéressant de voir l’application qui en est faite dans le cadre d’une demande d’expertise formée en référé.

Aussi, non seulement l’action fondée sur l’article 1603 du code civil est interrompue par la demande de désignation de l’expert, fondée sur la garantie des vices cachés, mais elle bénéficie également de la suspension du délai de prescription, qui ne recommence à courir qu’au moment du dépôt du rapport.

Cette décision est importante en pratique.

En effet, compte tenu des délais d’expertises qui peuvent s’étendre sur plusieurs années, il n’était pas rare de devoir assigner au fond, et demander un sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport, afin d’interrompre le délai de prescription.

Ce problème semble donc aujourd’hui résolu.